mardi 2 avril 2019

Poèmes de Javier Heraud


Mais maintenant je suis ici.
Je suis tout de même revenu
avec un goût étrange
de terre amère,
j'avais accumulé
beaucoup de souffrances
et il est difficile d'oublier
en un an.
Il est difficile de laisser
tout abandonné,
un an est toujours
un an et ce n'est jamais suffisant.
Il est difficile de laisser tout,
des arbustes pâles couvrent le cœur
de haine,
et arracher c'est toujours laisser quelque chose, un creux, une fine racine;
l'haleine
de la haine infatigablement
habite
dans le cœur et dans le rêve.

- - -

Aujourd'hui j'ai détourné
mes chemins.
Je suis parti il y a déjà
un an.
Je pourrais tout nier
maintenant :
je ne sais pas si je suis né,
je ne sais pas si j'ai lu
un jour un livre.
Peut-être ai-je feuilleté
un poème de Salinas
que je veux oublier aujourd'hui.
Un an n'est jamais suffisant
quand on souhaite le repos.
Si je suis né
c'est parce que je dois anéantir mes os
dans la mer :
(la mer lave tout,
la mer couvre
les herbes et les prés,
elle emplit les cœurs
de sel et de ténèbres).

- - -

Je suis revenu maintenant.
Ma mère, mon père,
je suis revenu.
Mes frères,
me voici
comme avant,
chantant les nuits
d'hiver,
avec mon cœur
sec
de pain et de pierre.

Gustavo, tu
as grandi.
Et tu ne comptes plus sur tes doigts,
et tu ne lis plus
une lettre après l'autre,
et tu ne rêves plus de tigres
et d'éléphants ?

C'est vrai, mes parents,
mes frères,
me voici.
Je ne sais pas si je me suis reposé,
et c'est parce qu'en chemin
j'ai trouvé un saule qui
riait avec le vent et
avec mes pas,
qui riait avec
les dents et les branches,
qui riait de tout
comme un enfant,
et cela m'a
fait douter.

- - -

J'ai été une longue
année couché dans
l'herbe de l'oubli,
couvert par
les feuilles de l'amour et
de l'automne.
Je me suis reposé
un peu, je l'avoue,
je suis parti sans dire adieu,
mais c'est parce que dans mon cœur
il ne pouvait entrer plus de fleurs,
dans mon cœur il n'entrait
plus le dur secret de la vie.

- - -

Je suis revenu lentement.
(Un peu de reve
est toujours nécéssaire
même s'il est court comme
le silence des
volubilis).

Dans chaque village traversé
en entrant,
je voyais que ses portes
étaient ouvertes
pour moi,
que ses toits étaient à moi,
que ses champs,
ses oreilles,
tout m'appartenait.

Je marchais et
marchais,
je ne regardais pas en arrière
vers mon lit de feuilles,
un an suffit
me disais-je

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